Un film de Robert Wise
Adaptation d'un roman de Michael Crichton, Le mystère Andromède (The Andromeda Strain, le titre original, utilise le vocable plus scientifique de "variété") a plutôt bonne réputation. Wise a plus de bons films à son actif que de mauvais, et même plusieurs grands classiques (Nous avons gagné ce soir en 1949, Le jour où la Terre s'arrêta en 1951, West Side Story en 1961, La maison du diable en 1963, ...). Certes, Crichton est lui aussi, loin d'être un manchot dans sa partie, le thriller technologique -sa courte filmographie n'est pas déshonorante non plus-. Rien n'empêche cependant Le mystère Andromède de consituter une vraie déception, malgré quelques rares qualités.
L'argument : la population d'un village est intégralement décimée après la chute d'un astronef dans ses environs ; intégralement ? Pas tout à fait, un nouveau-né et un vieillard ont survécu. Dans le plus grand secret, une unité scientifique de pointe est mise sur pied pour étudier le phénomène.
Le générique d'introduction plonge le spectateur dans un dédale de formules mathématiques multicolores, une nébuleuse scientifique, insistant avant même la première scène sur le nerf de l'histoire : la culture scientifique de pointe et, au-delà, l'expression d'une pure intelligence. Les images créées par Douglas Trumbull, roi des effets spéciaux d'avant la révolution numérique, devance de plus d'une décennie le générique étonnamment semblable de son Brainstorm (1983). L'aspect cartésien du générique s'oppose fortement aux impressions dégagées par la première séquence, celle d'un mystère qui semble puiser sa source dans la dimension fantastique. Le spectateur, comme les personnages, est baladé sur une scène quasi-muette dans laquelle le réalisateur omet volontairement d'expliciter quoi que ce soit. La menace qui plane n'est réelle que par l'étendue des moyens déployés pour la contrer : une armada militaire et scientifique. Seules, les conséquences de l'événement semblent avoir les faveurs de la caméra. Pour épaissir encore, s'il en était besoin, l'aura d'étrangeté du début du film, un filtre aux teintes terreuses colore les paysages, les visages, les objets.
Alors, lentement, très lentement, se mettent en place des éléments relevant d'un suspense paranoïaque comme en raffolent les réalisateurs américains en ces années 70 bien tourmentées. Omerta totale envers les médias, action limitée à des salles blanches souterraine sans aucun accès à la lumière naturelle, puis découragement progressif des scientifiques devant un mystérieux organisme. Des bandeaux noirs nous indiquent mécaniquement l'écoulement du temps.
La gestion du temps est volontairement ralentie par le réalisateur, alors que parallèlement, les scientifiques semblent mener un contre-la-montre épuisant. La descente progressive dans la réserve où est précautionneusement conservée la fameuse substance n'en finit pas, les protagonistes passant de sas en sas, de douches de décontamination en changement de costumes, perdant peu à peu leur individualité pour être "conformes". Dans le même mouvement, les scientifiques devront regarder au plus profond de la substance, grossissant et grossissant des milliers de fois l'image au microscope, et balayant minutieusement chaque détail, pour arriver à leur conclusion. Si l'idée est séduisante, on peut perdre patience dans le paradoxe entre une menace terrible qui demande une résolution rapide, et le ralentissement volontaire de l'intrigue, à telle point qu'on imagine un instant que la substance toxique puisse n'être qu'un macGuffin, un leurre.
Tant de suspense, aussi mal géré qu'il soit, génère une attente forte du spectateur, qui se retrouve finalement devant une solution tout à fait prévisible, surtout dans le contexte des années 70 (même si on appréciera une déviation du scénario au moment où une spécialiste restera comme hypnotisée devant le spectacle de la substance vivante). Si l'idée sous-tendue par le film pourrait être prenant, elle échoue à se rendre intéressante faute d'un traitement pas assez dynamique. C'est bien dommage pour ce film de SF parano d'un Robert Wise qu'on a connu plus inspiré.